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Diffamation : évolution de la jurisprudence

Diffamation : évolution de la jurisprudence

La société P s’est vu confier par la commune d’Ajaccio la construction ainsi que l’exploitation d’un crématorium au lieudit du Vazzio, du fait d’une délégation de service public.

La société, MM. B. et M.-X. P et Mesdames Françoise, Valérie et Elodie P. (les consorts P) soutiennent que le collectif « Collectif contre le crématorium au Vazzio » a tout d’abord diffusé des tracts puis mis en ligne une pétition tenant des propos diffamatoires à leur égard.
Ainsi, ces derniers ont assigné les membres du collectif et la société Groupe Nextone Media Limited, hébergeur du site en cause, dans le but d’obtenir réparation de leur préjudice.

L’assignation se doit de préciser et de qualifier les faits incriminés mais également d’indiquer le texte applicable en l’espèce, au titre de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881.
La jurisprudence de la Cour de cassation est constante à ce sujet. La chambre criminelle se doit de vérifier d’office, d’une part la conformité de la citation au texte visé, d’autre part, qu’elle mentionne le texte qui édicte la peine sanctionnant l’infraction poursuivie. Mais la chambre civile de la Cour de cassation souligne qu’une omission peut être faite.

En effet, dans l’assignation, l’absence de la mention de la sanction qui ne peut pas être prononcé par une juridiction civile, ne peut pas atteindre la validité de l’assignation (Civ. 1er, 24 sept. 2009, n°08-17. 315, Bull. civ. I, n°180).

Cependant, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a rendu un arrêt le 15 février 2013 (n°11-14.637, Bull. Civ., n°1) portant sur la validité d’une assignation pour diffamation et injure, portant sur le même fait. La Cour de Cassation a alors affirmé que l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 est applicable devant les juridictions civiles. Ainsi, l’unicité du procès de presse qui en découle apporte une modification à la jurisprudence précédente. En effet, il semble nécessaire d’unifier les règles relatives au contenu de l’assignation, que l’action se déroule devant les juridictions pénales ou civiles, pour les affaires relevant d’infraction de presse.

En l’espèce, les assignations délivrées sur la demande de la société et des consorts P. mentionnent l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 mais omettent l’article 32 de cette même loi. Ainsi, les assignations peuvent être frappées de nullité car elles ne mentionnent pas le texte relatif à la peine applicable aux faits de diffamation visés dans l’assignation.

Pourtant, il convient de noter que la nouvelle jurisprudence s’applique de plein droit aux affaires s’étant basé sur l’ancienne jurisprudence. Ainsi, les partis s’étant conformés au droit en vigueur au moment de leur action peuvent être affectés par la mise en œuvre de ce nouveau principe. Le juge va alors évaluer les différents inconvénients et pourra, si cela semble nécessaire, faire exception au principe de rétroactivité de la jurisprudence. Il va également rechercher, selon le cas d’espèce, une disproportion manifeste entre les avantages et les inconvénients qui y sont attachés.

En l’espèce, les assignations délivrées à la demande de la société et des consorts P étaient conformes à la jurisprudence de la première chambre civile, mais à cette date, il n’était pas possible d’anticiper la nouvelle jurisprudence, qui consiste à mentionner le texte édictant la peine encourue.

Alors, dans le cadre d’une instance en cours, l’application immédiate de ce revirement de jurisprudence priverai les requérants d’un procès équitable en les empêchant d’accéder au juge. L’article 6 §1 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’Homme affirme ce principe.
Ainsi, les assignations n’ont pas à faire l’objet d’une annulation.